Comment cadrer et rédiger l’expression des besoins pour structurer les attentes du projet ?
Dans la gestion de projet, une erreur fréquente consiste à penser que les besoins sont évidents et partagés par tous. Pourtant, les formaliser dès le départ est un levier clé pour éviter les malentendus, les itérations inutiles et, in fine, garantir l’alignement entre les attentes des parties prenantes et les résultats livrés.
L’expression de besoins est cette phase déterminante où les attentes des utilisateurs et des métiers sont identifiées, analysées et traduites en exigences. Elle prend généralement la forme d’un document structuré qui décrit avec précision les objectifs du projet, les problèmes à résoudre et les résultats attendus. Un cadrage clair à ce stade permet d’éviter des dérives coûteuses et de piloter le projet et sa feuille de route sur des bases solides.
Mais comment s’assurer que cette expression de besoins est pertinente et exploitable ? Quels sont les pièges à éviter et les bonnes pratiques à adopter ? C’est ce que nous allons explorer avec Aurore Lethelliez, Consultante en management de projets chez Projexion.
Dans quel contexte et entre quelles étapes du projet est réalisée l’expression de besoins ?
L’expression de besoins intervient dans une phase charnière du projet, après l’étude de faisabilité et avant la rédaction du cahier des charges. Elle sert de fondation à toutes les décisions qui suivront, notamment en matière de conception, de développement et de validation. Son rôle est donc double : orienter la mise en œuvre et fournir un référentiel objectif pour évaluer la conformité des livrables à l’issue du projet. C’est aussi sur ce document que l’on s’appuie au moment de la livraison d’un projet pour vérifier les écarts entre ce qui était attendu et ce qui a été réalisé.
« Si l’expression de besoins est mal définie, toute la chaîne aval en pâtit ! »
Par exemple, dans le cadre de la mise en place d’un outil de résolution d’incidents (JIRA) dans une enseigne de distribution de colis. Les différents entretiens et la rédaction des processus métiers nous ont permis de voir qu’il y avait beaucoup plus d’acteurs impactés par ce changement et donc d’élargir le périmètre du projet afin d’intégrer tous les besoins utilisateurs, que ce soit en agence, au sein du service clients et du support technique qui traitait les demandes entrantes.
A quels enjeux doit répondre une expression de besoin et que doit-elle contenir ?
Le premier enjeu de l’expression de besoins est de clarifier et d’aligner les attentes de toutes les parties prenantes. Une mauvaise compréhension initiale se traduit souvent par des allers-retours coûteux en temps et en budget.
Ensuite, elle permet de définir le périmètre précis du projet : ce qui est inclus, ce qui ne l’est pas, et à quelles conditions. Ce document sert ainsi de fil conducteur tout au long du projet, assurant que les objectifs restent inchangés, et que chaque partie prenante les garde à l’esprit !
En conséquence, pour qu’elle soit un succès, une expression de besoins doit être :
- Complète : elle doit détailler les besoins fonctionnels et non fonctionnels, intégrer les contraintes budgétaires, temporelles et techniques, et préciser les critères d’acceptation.
- Claire et accessible : elle doit être compréhensible par toutes les parties prenantes, sans jargon inutile.
- Exploitable : elle doit servir de référence tout au long du projet et ne pas rester un simple document figé dans un dossier.
- Alignée avec les réalités terrain : elle doit être co-construite avec les utilisateurs finaux et validée par les équipes techniques.
Dans le cadre de mes missions de consultante en management de projets, les expressions de besoins contiennent ainsi à minima :
- Une introduction décrivant le contexte et les objectifs du projet.
- Une description détaillée des besoins fonctionnels et non fonctionnels.
- Les contraintes et les exigences spécifiques (budgétaires, temporelles, techniques, etc.).
- Les critères d’acceptation du projet.
Un dernier point essentiel : l’expression des besoins doit faciliter la communication entre toutes les parties prenantes. En la structurant avec une introduction claire sur le contexte et les objectifs du projet, puis en détaillant les attentes, elle devient un véritable outil de travail, plus qu’une contrainte.
Quels sont les différents rôles entre l’étude de faisabilité, l’expression de besoins, cahier des charges et l’appel d’offres ?
En effet, ces concepts sont parfois confondus ou mal maîtrisés, ce qui entraîne des recoupements. Ces étapes forment une progression logique qui structure la vie d’un projet. Chacune a un rôle précis et répond à une question.
L’étude de faisabilité intervient en tout début de projet. Son rôle principal est de déterminer si un projet est viable et réalisable. Elle évalue les aspects techniques, financiers et juridiques pour décider si le projet peut être lancé. Elle permet de répondre à la question : « Est-ce que ce projet est possible et vaut la peine d’être entrepris ? »
L’expression de besoins prend le relais si l’étude de faisabilité est concluante. À ce stade, il ne s’agit plus de savoir si l’on peut faire le projet, mais de préciser ce que l’on veut atteindre. Elle vise à définir en détail les besoins et les attentes des parties prenantes concernant le projet. Elle formalise ce que le projet doit accomplir, quels problèmes il doit résoudre et les résultats attendus. Elle permet de répondre à la question : « Qu’est-ce que le projet doit faire exactement ? »
Le cahier des charges traduit ensuite ces besoins en spécifications concrètes. Il détaille les aspects techniques, fonctionnels et les exigences du projet, servant ainsi de référentiel pour les équipes en charge de la réalisation. Il répond à la question « Comment va-t-on concrètement et techniquement réaliser ce projet ? ».
L’appel d’offres, enfin, est l’étape qui permet de trouver les partenaires adéquats pour exécuter le projet. Il s’agit d’une procédure par laquelle une entreprise ou une organisation invite des fournisseurs ou des prestataires à soumettre des propositions pour réaliser le projet selon les spécifications du cahier des charges. Il permet de répondre à la question : « Qui va réaliser le projet et à quelles conditions ? »
En synthèse, ces étapes se suivent dans un ordre logique : on évalue la faisabilité, on définit les besoins, on précise les spécifications, puis on cherche les prestataires pour réaliser le projet.
« Ce séquencement permet de cadrer de plus en plus précisément le projet. Une étude de faisabilité trop légère peut mener à un projet irréaliste, tout comme un cahier des charges mal défini peut générer des incompréhensions avec les prestataires. »
Quelle est alors la méthodologie pour réaliser une expression de besoins ?
En termes de méthodologie, nous commençons par mener des ateliers et entretiens avec les différentes parties prenantes du projet. Il est aussi possible de faire l’étude des processus actuels et d’analyser les pratiques sur les différents outils utilisés par les parties prenantes.
Une fois que l’ensemble des besoins est collecté, il faut les structurer par thématiques (fonctionnels, techniques, organisationnels, réglementaires…) et surtout leur niveau d’importance et d’impact. A cette étape il est primordial de formaliser un document récapitulatif et de le présenter à toutes les parties prenantes afin de s’assurer que tout le monde est en phase et valide le document.
La validation de ce document est cruciale pour la réussite du projet car c’est sur celui-ci que l’on va s’appuyer au moment de la livraison et du déploiement du nouveau produit pour vérifier s’il répond aux attentes.
Enfin, ce document doit être suffisamment précis, car il sert également de base lors de la rédaction des cas de tests qui interviennent après les développements du produit. Les tests sont réalisés avec l’ensemble des parties prenantes : ils permettent de s’assurer que les développements effectués sont conformes aux attentes et de remonter les anomalies éventuelles.
La clé d’une expression de besoins réussie, c’est la méthode. Il ne suffit pas de lister des attentes en vrac : il faut structurer la démarche pour garantir un cadrage clair et exploitable pour la suite du projet.
Dans le cadre de la mise en place d’un nouveau CRM à destination des équipes commerciales, il a été très important de préciser les contours du projet et de l’acter en COPIL avec l’ensemble des parties prenantes. Cela a facilité le changement et l’appropriation de l’outil par les utilisateurs et de s’assurer que les tâches et actions qui seraient réalisées dans l’outil répondaient au besoin de pilotage de l’activité au niveau managérial.
Quelles sont les spécificités de l’expression des besoins dans un projet lié au Système d’Information ?
L’expression des besoins dans un projet SI doit assurer un alignement précis entre les attentes métiers et les contraintes techniques.
Contrairement à un projet purement métier, elle doit intégrer des exigences d’interopérabilité avec les systèmes existants, des contraintes de sécurité et de conformité (RGPD, ISO 27001…) ainsi que des aspects liés à l’exploitation et à la maintenance (supervision, évolutivité, gestion des incidents).
La collaboration étroite entre les métiers et les équipes IT est essentielle pour éviter les écarts de compréhension et garantir la faisabilité des solutions. De plus, la validation par des Proof of Concept (POC) et prototypes permet – dans certains cas – d’anticiper les défis techniques et d’ajuster les spécifications avant d’engager le développement. Une expression de besoins SI réussie repose donc sur une structuration rigoureuse, une anticipation des impacts techniques et une validation progressive des hypothèses.
Comment Projexion accompagne ses clients autour de cette phase d’expression de besoins ?
Projexion est un cabinet de conseil opérationnel en management et gestion de projets. Nos consultants travaillent avec nos clients dans chacune des phases du projet, dont l’expression de besoins. Nous avons pour habitude d’accompagner toutes les parties prenantes à la réflexion et la réalisation des livrables tout en leur laissant une part d’autonomie et de montée en compétences afin qu’ils soient capables d’intégrer une méthodologie projet.
Nous sommes au contact des parties prenantes et prenons le temps de comprendre leurs enjeux, nous animons des ateliers, rédigeons les process. Nous apportons aussi une vision transversale et veillons à analyser également les interdépendances entre le projet mené et ceux qui existent au sein d’autres services ou directions !