Comment faire évoluer l’organisation de sa DSI pour la moderniser et maximiser la valeur métier ?
Les DSI se réinventent pour sortir d’un rôle de centre de coût et devenir un levier stratégique. Cependant, une réorganisation ne se décrète pas : elle se construit autour d’un positionnement clair, d’une gouvernance maîtrisée et d’une capacité à répondre aux attentes métiers.
Comment alors structurer une DSI moderne, capable de conjuguer agilité et gouvernance ? Quels modèles d’organisation privilégier pour maximiser l’efficacité opérationnelle tout en accompagnant l’évolution des métiers ?
Olivier Parker, consultant et architecte SI, nous partage son analyse et ses conseils pour aider les entreprises à repenser l’organisation de leur DSI en cohérence avec leurs enjeux stratégiques.
Quels sont les principaux défis auxquels les DSI doivent faire face ?
La liste pourrait être longue ! Je vous en propose cinq :
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- Trouver le bon positionnement pour devenir un élément clé de l’organisation vecteur d’excellence opérationnelle et levier de transformation de l’entreprise.
- Piloter et réduire les risques sur le Système d’Information : obsolescence, cyber-résilience, couplage fort, compétence unique …
- Améliorer l’agilité de la DSI et du SI dans les réponses aux besoins métier
- Optimiser le TCO et réduire les coûts
- Être force de proposition vers les métiers dans la digitalisation et l’usage de nouvelles technologies (Ex : IA, plateformes de données, IOT, …).
Je vous propose de développer le premier qui me semble le plus structurant sur le volet « organisation de la DSI ».
En effet, les DSI sont parfois réduites à un rôle de « facilities management » et se contentent d’études techniques sur des choix « imposés » par les directions métier. Dans une telle situation, la DSI est un « centre de coût » … Le challenge est de faire de la DSI un « levier de valeur » … même si cet adage est connu depuis plus de 20 ans, cela reste un challenge pour bon nombre d’organisations !
Nous avons tous observé il y a quelques années un courant organisationnel ayant conduit à la mise en place de « DOSI » (Direction Organisation et Système d’Information) . Il avait pour objectif de concentrer les pouvoirs de transformation métier et IT au sein d’une même direction, avec plus ou moins de succès.
Le challenge réside bien sur la jonction « métier / IT » et dans la capacité de la DSI à légitimer son apport de valeur sur la vision « métier » et sa transformation. Se pose alors la question de savoir où, dans l’organisation, doit se situer la direction de la transformation métier : dans la DSI ou hors DSI ? De la même manière, où doivent se trouver les compétences en Architecture d’Entreprise : dans la DSI ou dans une équipe dédiée hors DSI ?
Ces choix structurants impactent directement l’efficacité de la DSI et la transformation des entreprises !
Qu’est ce qui caractérise et définit selon toi une DSI «moderne» et «agile» ?
C’est une vaste question !
Le terme « agilité » doit à la fois se décliner sur le Système d’information et sur la valeur délivrée par l’organisation DSI. Sur le 1er point, il signifie que l’architecture du SI est intrinsèquement modulaire : des applications au contour fonctionnel bien délimité, des données et des responsabilités applicatives clairement définies. L’architecture est alors peu impactée par les couplages ou par les monolithes difficiles à maintenir, peu sujette à obsolescence. Elle est au contraire robuste et évolutive, exploitable sans impacter le service rendu aux métiers…
Sur le deuxième point, au niveau de la valeur et des services délivrés par l’organisation DSI, l’ « agilité » peut se mesurer. Cela touche alors plus à son organisation et ses processus permettant d’apporter le niveau de service conforme à son offre. Cette agilité est également liée aux choix de sourcing effectués par la DSI pour consommer les technologies et les services dont elle a besoin.
La notion de « modernité » englobe des aspects supplémentaires. Il touche bien sûr le Système d’Information, notamment par les technologies mobilisées. Mais il faut être honnête, c’est un vrai challenge de garantir que son SI ne mobilise que des technologies modernes qui sont de plus en plus rapidement obsolètes en raison du de la vitesse de l’innovation ! Challenge d’autant plus complexe que la refonte de composants anciens (ou Legacy) est souvent confrontée au risque « projet » et « impacts », ainsi qu’aux coûts et à la complexité pharaonique de telles transformations.
Le constat réel sur la modernité du SI est souvent hybride avec la cohabitation d’applications conçues et développées sur des architectures modernes avec des composants fonctionnant en COBOL / DB2 sur des mainframes !
Par ailleurs la modernité d’une DSI peut également se mesurer à la maturité de son organisation. Elle repose sur sa capacité à anticiper, faire de la veille technologique et méthodologique, être force de proposition pour les directions métier, améliorer en continu sa performance, avoir des processus de gestion des changements, un pilotage maitrisé de sa trajectoire et une politique de sourcing claire, traiter les incidents avec vélocité tout en tenant ses engagements projet, être bien outillée (IT4IT) …Ce sont des sujets sur lesquels nous avons d’ailleurs accompagné et conseillé plusieurs DSI clientes !
Quels sont les différents modèles d’organisation des DSI et leurs avantages et inconvénients ?
La question prend l’hypothèse que les DSI suivent des modèles d’organisation ! Dans la réalité, il n’en n’est rien, chaque DSI a son propre positionnement souvent hérité de l’organisation de l’entreprise et de sa propre histoire. Pour autant, certaines tendances d’organisation se dégagent et méritent d’être analysées. Commençons par les modèles d’organisation DSI vs DOSI.
Le modèle organisationnel des DOSI combine les métiers de la DSI avec les métiers de l’organisation. Ce modèle devrait offrir une relation plus fluide entre les métiers et l’IT ainsi qu’une opportunité facilitée de générer de la valeur par la transformation des métiers et du SI.
Le modèle organisationnel DSI, quant à lui, est par définition plus centré sur les moyens IT en réponse aux besoins métier et donc plus difficilement légitime sur les questions métier et transformation. Pour autant, l’orientation DOSI ou DSI du modèle d’organisation n’influe que marginalement sur l’efficacité de cette dernière.
Partageons maintenant les approches organisationnelles que nous rencontrons le plus souvent. En effet, les DSI se structurent de diverses manières en fonction de leur histoire et des choix stratégiques de l’entreprise. Longtemps organisées par domaine métier sous l’appellation « études » ou « études et développement », certaines ont évolué vers un modèle orienté produit, intégrant expertise métier, gestion de projet et développement. D’autres conservent une séparation MOA/MOE, distinguant les équipes en charge des besoins fonctionnels et celles en charge de la mise en œuvre technique. Les compétences de développement et d’intégration peuvent être intégrées aux équipes produit ou mutualisées dans un pool de ressources, mobilisant des expertises variées (DevOps, testing, intégration), parfois externalisées via des centres de services tiers.
En parallèle, les équipes infrastructures et production, longtemps perçues comme un simple support, ont vu leur rôle renforcé avec l’essor du DevOps, favorisant une collaboration plus étroite avec le développement.
Certaines DSI disposent également d’équipes dédiées à la méthodologie et à l’architecture, dont la légitimité dépend souvent de leur intégration aux décisions stratégiques. Enfin, leur positionnement dans l’organisation influence leur impact : une DSI siégeant au comité de direction a un rôle plus stratégique qu’une DSI rattachée à une autre direction (achats, finance, logistique), où elle est souvent cantonnée à la gestion des moyens techniques. L’Architecture d’Entreprise, quant à elle, peut être intégrée à la DSI, avec le risque d’un affaiblissement de sa valeur vis-à-vis des métiers, ou être associée à la Direction de la Transformation, nécessitant alors un alignement fort avec l’IT.
En conclusion, il n’existe pas de modèle type à proprement parler, mais une colonne vertébrale au sein de la DSI, qui évolue par « sauts » au fil des courants de pensées et des modes émergentes sur le marché IT.
Ces changements sont plus souvent subits que pensés et posés comme le fruit d’une réflexion profonde sur l’organisation de la DSI. Cependant, il est évident que les DSI doivent évoluer à la fois dans la valeur qu’elles délivrent que dans la façon dont elles se structurent pour délivrer leur offre !
Comment l’organisation d’une DSI peut-elle concilier agilité et exigences de gouvernance ?
Cette question souligne une forme d’injonction contradictoire qui s’impose aux DSI. D’une part, aller toujours plus vite dans la capacité à délivrer de nouvelles fonctionnalités / applications pour les métiers (réduire le time to market) et d’autre part rester en maîtrise du patrimoine du SI et de sa trajectoire.
La première injonction appuie les enjeux d’efficacité et de vélocité, ce que les démarche « agiles » ont tenté de rendre possible. La deuxième injonction requiert un temps plus « posé » pour cartographier son existant, le modéliser, en évaluer la valeur et le risque pour ensuite en définir la trajectoire d’évolution sur différentes échelles de temps. Ce 2ème exercice s’inscrit sur un temps long et aspire à un avenir dessiné que l’on rejoint par une trajectoire tout aussi déterminée. Le challenge que la DSI doit relever c’est la capacité à concilier les deux : être en mesure d’accepter et d’accompagner une demande imprévue tout en assurant une trajectoire moyen/long terme du SI permettant de traiter des problèmes de fond comme l’obsolescence, la sécurité et la modularité du SI. Les deux exercices ne sont pas incompatibles, mais ils requièrent tous deux une organisation et un cadre murement posé et opérationnellement respecté.
Pour réussir ce tour de force, voici les ingrédients clés nécessaires selon moi :
Connaitre et maitriser son « existant » : Toutes les composants du SI, sa structure et les services délivrés par ce dernier. Idéalement formalisé sous forme d’inventaires et de cartographies.
- En évaluer la qualité et les risques : couverture fonctionnelle, modularité, obsolescence, risque, qualité de données, ergonomie, évolutivité, sécurité ….
- Gérer une vision priorisée des attentes métier, issues d’une relation DSI / métier posée et assumée.
- Elaborer et maintenir à jour une trajectoire d’évolution du SI alimentée par l’évaluation de la qualité et des risques du SI ainsi que par la vision priorisée des attentes métier.
- Définir, piloter et actualiser un portefeuille projet en lien avec la trajectoire projet
- Définir et animer un processus de gestion des demandes « métier » au travers d’un cycle de vie posé et partagé, en concertation avec les directions concernées, permettant une prise en compte équitable et orientée « valeur » de chaque demande émise. Ce processus couvre une évaluation de la demande et de sa valeur ainsi que plusieurs étapes graduelles de sa mise en œuvre (POV, POC, …) avant de conduire à un changement pérenne dans le SI.
Quelles sont alors les étapes clés pour auditer et réussir l’évolution organisationnelle d’une DSI ?
Avant de répondre à cette question, il me semble important de rappeler qu’une organisation n’est qu’un moyen au service d’une cause ou d’un objectif. Dans le cas d’une DSI, son organisation est un des moyens mobilisés pour honorer « sa lettre de mission » ou « son offre de service » promise aux autres directions de l’entreprise.
Avant toute réflexion d’évolution organisationnelle d’une DSI, il est essentiel de poser ou reposer le cadre de la mission de la DSI et du service rendu à l’entreprise. A minima son offre de service et les engagement qualitatifs associés, idéalement associé à des KPIs. Souvent l’évolution de l’organisation d’une DSI est liée à l’évolution de son rôle et de la valeur qu’elle souhaite délivrer.
La première étape consiste donc à exprimer clairement la nouvelle promesse de valeur. Ensuite, il serait intéressant de modéliser les capacités métier de la DSI au regard de la promesse de valeur. Cette modélisation permettrait alors de réfléchir :
- Au sourcing des ressources à mobiliser pour supporter ces capacités
- A la manière de regrouper ces capacités en équipes au sein de la DSI.
- Aux interactions induites entre DSI et équipes client ainsi qu’aux interactions entre les équipes de la DSI
- Au rôle et à la lettre de mission de chaque équipe
Cette réflexion doit être complétée par les éléments d’organisation externe comme l’attachement hiérarchique de la DSI d’une part, les liens entre la DSI et la direction de l’organisation, les liens entre la DSI et la direction de la transformation et les liens entre la DSI et l’Architecture d’Entreprise, lorsque cette dernière existe.
Une fois les contours de l’organisation cible dessinés, une analyse d’écart doit permettre de lister l’ensemble des changements à opérer. Ces changements doivent être classés par complexité et par valeur apportée. L’orchestration des changements doit tenir compte des dépendances cascade éventuelles.
L’élaboration d’une trajectoire doit intégrer la notion de paliers stables, permettant à l’organisation de s’adapter progressivement et d’intégrer de nouveaux rituels / de nouvelles manières de travailler. C’est-à-dire privilégier une approche « temps long » sans négliger les besoins d’acculturation, de formation et de conduite du changement.
Pour conclure, le succès d’une transformation organisationnelle tient :
- dans la capacité à impliquer et embarquer les femmes et les hommes concernés par cette aventure
- dans la qualité de trajectoire et de la cible visée
- dans la capacité à maitriser la communication pour informer, convaincre, embarquer, impliquer, mesurer et partager, féliciter.
Y-a-t-il des spécifiques d’organisation des DSI au sein des PME et des ETI ?
Les PME et ETI disposent de DSI à effectifs réduits, et l’organisation interne est souvent réduite à 2 équipes : une équipe développement/projet et une équipe exploitation. La réponse est donc « Oui », l’organisation des DSI au sein des PME et ETI est assez spécifique ! Souvent, les DSI de ces entreprises sont encore vues comme des centres de coût et gestionnaires de moyens techniques. Les DSI dépendent souvent d’une direction métier en place : service « achat », service « finance » ou « moyens généraux ».
Autre spécificité : le capital documentaire et méthodologique est souvent très pauvre voire inexistant. La connaissance et la compétence sont fréquemment portées par un ou deux « anciens » qui maitrisent l’ensemble. Le risque « RH » est maximal toute comme le risque technique car souvent le SI est victime d’une obsolescence non traitée depuis de nombreuses années.
Si ces travers existent pour les micro-DSI – de 1 à 10 ETP-, j’ai observé des DSI entre 10 et 20 ETP très bien structurées disposant d’un cadre de fonctionnement efficace et d’une gouvernance du SI, capables de réalisations projet ambitieuses aux budgets bien tenus et qui ont su poser une relation saine et équilibrée avec les métiers.
La contrainte budgétaire est parfois salutaire car elle contraint la DSI à faire des choix pragmatiques et à éviter les pertes de temps inutiles en batailles politiques ou en guerre d’égo.
Le recours massif à des solutions du marché, idéalement en mode SaaS, avec des schémas d’utilisation standards permettent d’apporter un service intéressant avec peu de moyens humains mobilisés. L’usage ponctuel et bien cadré de prestataires intégrateurs ou ESN permet aux petites DSI d’apporter une grande valeur à leur entreprise.
Globalement les DSI de petite tailles sont souvent plus agiles par des circuits de décision plus courts, plus pragmatiques dans leur choix, pilotent plus « à vue » et s’embarquent rarement dans des réflexions de trajectoire à 5 ans. Ce sont des contextes dans lesquels les consultants, DSI de transition et architectes de Projexion prennent plaisir à intervenir !
Quels conseils donneriez-vous aux DSI de PME/ETI qui souhaitent amorcer une évolution de leur organisation ?
Dans un premier temps, il me semble essentiel de poser un état de lieux clair et précis de la DSI à minima et du SI dans l’idéal : organisation, fonctionnement, risques, analyse SWOT.
Dans un second temps, il faut définir clairement la motivation et les objectifs associés à la transformation : la définition de l’offre de la DSI (ou son rôle), en mettant bien en lumière l’écart avec l’existant. Ces travaux préalables sont essentiels au succès d’une démarche de transformation de l’organisation : un audit de situation initiale et un cadrage / challenge de l’ambition pour en assurer le pragmatismes et l’ « atteignabilité ».
L’étape suivante doit poser la vision organisationnelle de la cible : à minima les nouvelles capacités métier requises au sein de la DSI, l’affectation de ces nouvelles capacités dans l’organisation, la nouvelle définition du rôle des équipes et de leurs principales interactions. Cette vision doit décrire comment elle supporte chaque objectif de la transformation et indiquer les moyens de mesure du résultat. En fin d’étape, la cible doit être challengée pour rester pragmatique et atteignable. La vision doit également être partagée, expliquée et adoptée par les parties prenants.
En dernier lieu, il faut élaborer une trajectoire simple par palier, guidée par la valeur apportée et les résultats démontrables. Le pilotage de la trajectoire ne doit pas se faire au détriment du service rendu par la DSI, l’appropriation doit donc être progressive, idéalement ciblée sur des cas d’usage « test ». Une communication adaptée permettra d’impliquer les directions clientes ainsi que les acteurs internes de la DSI dans le succès de cette transformation.
Comment les consultants et architectes de Projexion accompagnent ces transformations des DSI ?
Chez Projexion, nos consultants peuvent accompagner les DSI qui souhaitent se transformer à toutes les étapes : l’état des lieux, l’élaboration de la vision cible, la définition des paliers de transformation, le pilotage et la mise en œuvre et l’accompagnement au changement.
Nos consultants connaissent bien les métiers de la DSI, les processus associés et les interactions qui en découlent. Habitués à travailler sur les sujets processus et organisation, nos consultants savent rapidement modéliser un existant, conduire une analyse et être force de proposition.
Complété par notre savoir-faire en Architecture d’Entreprise, nous pouvons guider la réflexion « hors du cadre » et identifier les leviers d’augmentation de la valeur délivrée par la DSI dans son propre écosystème !
Nous sommes également en mesure de prendre la parole en comité de direction et d’acculturer des directions métier aux sujets de la transformation et des rôles essentiels joués par l’Architecture et la DSI.